- MALAWI
- MALAWIDepuis son indépendance en 1964, le Malawi n’a pas attiré souvent sur lui l’attention internationale: en effet, ce petit pays enclavé d’Afrique de l’Est a connu longtemps une stabilité politique et économique rare dans la région. Mais, au tournant des années 1990, de nombreuses causes d’inquiétude ont émergé. Tension politique, mouvements sociaux, crise agricole, précarité alimentaire, autant de domaines par lesquels se lézarde le système de gouvernement du pays, le «système Kamuzu», comme l’appelait son fondateur, le président Hastings Kamuzu Banda. Sous sa direction ferme et sans partage, le modèle malawite de la croissance par les exportations agricoles a rencontré ses limites et laissé, dès le début des années 1980, le pays en situation de crise.Le Malawi s’étire sur 800 kilomètres de long et 100 à 180 kilomètres de large, limité au nord par la Tanzanie, à l’est, au sud et au sud-ouest par le Mozambique et à l’ouest par la Zambie. De sa superficie totale de 118 484 kilomètres carrés, près d’un quart est occupé par le lac Malawi à l’est du pays. À la plaine littorale succèdent les hautes terres du Nord (plateau Nyika) et du Nord-Ouest (plateau Vipya), les montagnes de Dedza au centre-sud, les hauteurs et la vallée du Shiré et enfin le massif de Mulanje, point culminant d’Afrique centrale avec ses 3 000 mètres.La population (5,6 millions d’habitants au recensement de 1977) était estimée en 1992 à 9,5 millions de nationaux auxquels s’ajoutaient près de 1 million de réfugiés mozambicains. Dans le sud du pays, la densité de population est plus forte (107 hab./km2) que dans le centre (74 hab./km2) et dans le nord (30 hab./km2). Longtemps faible, l’urbanisation s’est accentuée avec les difficultés croissantes du monde agricole, les villes principales étant Blantyre (332 000 hab.), Lilongwe, la capitale (233 000 hab.), et Zomba (43 000 hab.). L’anglais est resté langue officielle et le chichewa est devenu langue nationale en 1974. En l’absence de toute statistique fiable concernant le phénomène religieux, on peut estimer le nombre des animistes à 3,5 millions, celui des catholiques à moins de 2,5 millions (autant pour les protestants) et celui des musulmans à un peu plus de 1 million.Du groupe bantou Marave, qui établit un puissant empire sur la région tout au long du XVIe siècle, sont issues les ethnies Nyanja, Mang’anja, Chipeta et Chewa, auxquelles sont rattachées les ethnies Tumbuka et Tonga, tandis que les Yao, les Ngoni, les Nkhonde et les Lomwe sont apparues plus tard au gré de migrations pacifiques ou guerrières.La période colonialeEntre 1858 et 1863, David Livingstone effectua dans la région de l’actuel Malawi quatre voyages au cours desquels il put mesurer les ravages provoqués par le commerce des esclaves, pratiqué par les marchands arabes de Zanzibar avec parfois la complicité d’alliés yao. L’explorateur participa à la mise en place d’une mission éphémère dans les hauteurs du Shiré en 1861, mais ce n’est qu’après sa mort que son message et son appel furent entendus: un important réseau de missions protestantes allait être tissé à partir des bases de Livingstonia (1875) et Blantyre (1876). Les missions catholiques ne s’installèrent que vingt ans plus tard dans le centre du pays. Le système éducatif mis en place par les missions protestantes était d’une haute qualité et fut durant la période coloniale un facteur d’émancipation important pour les nombreux Africains qui en bénéficièrent. L’enseignement dispensé par les missions catholiques, plus conservateur, n’eut sans doute pas le même impact.Si un consulat britannique existait à Blantyre depuis 1883, ce n’est qu’en 1891 que Londres établit un protectorat du Nyassaland sur la région, contrant ainsi les prétentions portugaises de plus en plus pressantes. Il a parfois été souligné que les idées directrices de la pensée de Livingstone (commerce, christianisme, civilisation) ont dominé l’histoire coloniale du Nyassaland: si le processus de colonisation n’y a certes pas pris les allures qu’a connues celui de la Rhodésie, les relations entre Africains, administration coloniale et colons européens n’ont néanmoins rien eu d’une idylle. La pacification du pays entreprise par Harry Johnston, qui mit un terme au commerce d’esclaves, fut longue et parfois meurtrière (les Ngoni du Nord ne passèrent vraiment sous l’autorité des Britanniques qu’en 1904). L’administration indirecte fut bientôt le mode de gouvernement choisi par le colonisateur, notamment par deux ordonnances de 1933 reconnaissant l’importance des autorités traditionnelles.Le commerce colonial ne fut jamais très intense au Nyassaland: la Compagnie des lacs africains, créée en 1878 par des hommes d’affaires écossais, n’a été que le bras mercantile des missions protestantes. Quant à la British South Africa Company de Cecil Rhodes, qui supportait une partie des charges financières du protectorat, elle dut rapidement abandonner ses prétentions commerciales expansionnistes. Ce sont plutôt les problèmes agraires et ceux de la représentation politique et sociale des Africains qui ont suscité les tensions les plus graves. Dans le premier domaine, les colons européens, bien que peu nombreux, concentrèrent bientôt la propriété des meilleures terres, surtout dans le sud du pays, pour y développer des plantations. Les Africains de leur côté avaient souvent aliéné la propriété de nombreuses terres par l’intermédiaire de leurs chefs qui n’avaient pas perçu les conséquences véritables de tels «contrats», la notion de propriété absolument privée étant étrangère à leurs références culturelles. Une série de mesures avaient d’abord prévu de leur offrir des garanties quant à l’utilisation de la terre à des fins agricoles, mais devant le besoin grandissant de main-d’œuvre pour les plantations se généralisa le système dit de la thangata , officialisé en 1928, qui les obligeait à payer sous forme de travail un loyer aux colons «propriétaires» de leurs terres et les laissait à la merci d’une expulsion. Ce n’est que dans la région du Centre que se maintinrent les petites exploitations africaines consacrées aux produits d’exportation. Dans le Nord, encouragé par les missions, le flux migratoire de travailleurs vers les plantations rhodésiennes et les mines sud-africaines s’amplifiait. Sur le plan politique et social, la voix des Africains ne fut guère entendue puisque, d’abord représentés par des missionnaires, ils durent attendre 1949 et 1959 pour être présents au Conseil législatif et au Conseil exécutif. L’importance du système éducatif mis en place par les missions avait pourtant favorisé le développement d’une conscience politique dès le début du XXe siècle, mais celle-ci ne put s’exprimer d’abord que sous des formes millénaristes et religieuses: les sectes, les Églises schismatiques africaines, les prophètes furent les ferments de toute une agitation que dut réprimer l’administration coloniale. Les tensions culminèrent avec le mouvement et le soulèvement menés sans succès par John Chilembwe en 1915. La formation et l’action d’associations indigènes (Native Associations), qui regroupaient plutôt des notables et des intellectuels et dont les revendications ne visaient qu’à quelques aménagements du système colonial, échouèrent aussi bien à susciter la mobilisation populaire africaine qu’à obtenir une véritable compréhension et une coopération de la part des autorités coloniales. Pour prendre une dimension historique, la lutte anticoloniale avait besoin d’une cause identifiable et sensible à la majorité des Africains mais aussi d’une équipe dirigeante efficace.La création par Londres d’une Fédération d’Afrique centrale unissant le Nyassaland et les deux Rhodésies en 1953 précipita le cours de la mobilisation populaire africaine: pour beaucoup, la Fédération signifiait la généralisation des pratiques discriminatoires en usage en Rhodésie du Sud. En pratique, le Nyassaland devenait de plus en plus un réservoir de main-d’œuvre et dépendait pour beaucoup de Salisbury. L’artisan de la lutte antifédérale fut sans doute H. K. Banda. Celui-ci avait quitté le pays en 1904 et avait par la suite accumulé les diplômes aux États-Unis et en Grande-Bretagne, avant d’installer son cabinet médical à Londres. Là, il était en contact avec des hommes tels que Kwame Nkrumah et Jomo Kenyata. Ses virulentes attaques contre la Fédération eurent tôt fait de donner naissance à des mouvements de protestation parfois violents. Autour de lui, de jeunes intellectuels, ceux qui l’avaient convaincu de rentrer au Nyassaland en 1958 (Henry Chipembere, Kanyama Chiume, Yatuta et Dunduzu Chisiza), imprimaient une dynamique nationaliste plus militante au Congrès national africain, créé par James Sangala en 1944 et bientôt transformé en Malawi Congress Party (1960). Avec la montée de la violence, l’instauration de l’état d’urgence et l’emprisonnement de H. K. Banda et de ses lieutenants (1959), le dénouement approchait: en 1961, aux premières élections ouvertes aux Africains au suffrage censitaire, le M.C.P. s’imposait avec 94 p. 100 des voix. La sécession du Nyassaland sonnait le glas de la Fédération (1963), et l’État indépendant du Malawi naissait le 6 juillet 1964. Membre du Commonwealth, il était transformé en République par le Constitution de 1966.La monopolisation du pouvoir par H. K. BandaL’unité qui avait animé le mouvement nationaliste devait, dès septembre 1964, se briser et marquer profondément le développement politique du pays. Une crise gouvernementale éclata entre H. K. Banda et les «jeunes-turcs» des ministères: ceux-ci reprochaient à Banda son style paternaliste et personnel de gouvernement, ses options conservatrices, sa lenteur à africaniser la fonction publique ainsi que ses ouvertures envers le Portugal colonialiste. Le gouvernement perdit dans cette crise six de ses principaux ministres qui se retrouvèrent vite en exil. Avec eux, c’était la dimension progressiste et libérale de la vie politique du pays qui s’effaçait pour laisser H. K. Banda maître absolu des destinées du nouvel État.Pour asseoir son pouvoir, celui-ci s’appuya en effet sur les éléments conservateurs, et notamment les chefs traditionnels, et organisa la «revanche» de son propre groupe ethnique, les Chewa. Issu du centre du pays, ceux-ci n’avaient en effet jamais bénéficié de l’éducation des missions protestantes. Ils ne fournirent pas véritablement de dirigeants et de militants au mouvement nationaliste: leur mentalité traditionnelle et conservatrice leur faisait craindre quelque peu l’avenir dans ce nouvel État, dominé par une administration et un gouvernement où se trouvaient en majorité des Ngoni, des Tonga, des Tumbuka et des Yao. La carte que leur proposait de jouer H. K. Banda leur offrait une chance de se garantir un avenir sûr et de prendre en quelque sorte une revanche sur des années de sous-éducation et de mise à l’écart. Cela permet également de comprendre pourquoi le Malawi a dû attendre le milieu des années 1970 pour africaniser les hauts postes de la fonction publique, utilisant les services des Britanniques avant de posséder des éléments «sûrs». Le soutien chewa et une rapide épuration des dirigeants des branches du parti dans le sud du pays ont donc permis à H. K. Banda de prendre en main un pouvoir qu’il allait désormais exercer sans partage. Deux attaques de guérilla, menées sans succès par les anciens ministres H. Chipembere et Y. Chisiza, ne purent empêcher ce processus.Un système politique autoritaireIssu d’une crise gouvernementale qui révélait elle-même des conflits plus larges dans la société malawite, le pouvoir politique, autour de H. K. Banda, s’est établi sur des bases autoritaires. Des mécanismes de contrôle politique et social se sont développés depuis le plus haut sommet de l’État. Le parti unique a réussi une implantation à la base remarquable. Beaucoup plus que par l’administration, c’est par les diverses structures locales et régionales du Malawi Congress Party que transitent les demandes, les projets, les décisions qui règlent la vie quotidienne de la population. Les organes annexes du parti quadrillent aussi des secteurs plus spécifiques: la Ligue des jeunes et la Ligue des femmes dans leurs domaines respectifs, tandis que les Jeunes Pionniers, outre leur rôle officiel de fer de lance des campagnes de développement, font respecter l’ordre et bénéficient à ce titre de lois d’exception (pouvoir d’arrestation, port d’armes). L’Université, le syndicat, l’armée, la police et les médias sont soumis à un contrôle étroit et direct de la présidence. D’une manière générale, le régime n’a pas toléré les «déviants», et la communauté des Témoins de Jéhovah en a fait l’expérience lors de persécutions et d’expulsions au cours des années 1970. La justice, enfin, a été réformée dès 1969 pour ne plus «s’attacher outre mesure au formalisme technique»: les cours traditionnelles, ainsi baptisées, dont les magistrats sont directement nommés par le président Banda, ont pu ainsi traiter plusieurs procès politiques.La classe politique a dû s’accommoder au mieux de l’autorité du régime. L’opposition s’étant exilée après la crise de 1964, le président Banda s’est appuyé sur les responsables des diverses branches du parti, au prix d’une purge dans celles de la région du Sud. Il a placé ses fidèles au gouvernement et à l’Assemblée nationale. Depuis l’indépendance, H. K. Banda a régulièrement cumulé plusieurs portefeuilles ministériels. La Constitution de 1966 et son mandat à vie depuis 1971 lui confèrent des pouvoirs très étendus tant sur le parti que sur les grands corps de l’État. Sa forte personnalité et son art politique lui ont permis d’éliminer tous les concurrents et les dauphins potentiels.Ce système politique a pourtant connu, entre 1970 et 1990, plusieurs phases, alternant ouverture et fermeté. En 1977, après la chute politique et l’arrestation pour complot du secrétaire général du parti et du chef de la police, près de deux mille prisonniers d’opinion furent libérés. Dans cette vague, les élections législatives de 1978 ont été marquées par un certain pluralisme, puisque plusieurs candidats étaient offerts au vote des électeurs (mais tous étaient membres du parti). Un coup de frein brutal fut mis à cette amorce de libéralisation en 1983, avec la mort de Dick Matenje, secrétaire général du parti, dans des circonstances jamais éclaircies: sa disparition, en compagnie d’autres personnalités, marquait la fin de la tendance réformiste au sein du parti, d’autant plus significative que D. Matenje semblait jouir d’un soutien certain dans la population. Au centre de ce conflit politique se trouvait la personnalité de John Tembo, très proche du président Banda, dauphin officieux mais peu populaire. Alternant souplesse et autoritarisme, le régime s’est trouvé soudain confronté à une montée du mécontentement social, renforcé par des aspirations à un système politique plus démocratique. Les émeutes et les grèves de 1992 ont marqué un tournant dans l’histoire politique de ce pays jusque-là si «discipliné», mais les causes de ces mouvements prennent surtout leurs sources dans la dégradation du système économique.Une politique agricole à haut risqueL’agriculture est au centre du système économique du pays, qui compte 90 p. 100 de ruraux. Cultures vivrières, cultures de rente, exportations (tabac, thé, sucre), industries agro-alimentaires: les ressources et les emplois sont largement dépendants de l’agriculture. Durant la période coloniale et malgré l’intervention de l’État sur les règles du marché, la production paysanne avait pu se maintenir, voire, selon les régions, prospérer (coton ou tabac par exemple). Après l’indépendance, les pouvoirs publics ont opté pour une politique doublement sélective: l’aide aux cultures de rente (intrants, crédits, assistance technique) ne fut accordée qu’à une minorité de producteurs (à peine 10 p. 100 des paysans), tandis que la stratégie de la croissance financée par les exportations agricoles passait par une exclusivité accordée en ce domaine au secteur des plantations. Lieu de placement économique des dirigeants politiques et des cadres du parti, les plantations ont connu dans les années 1970 un essor sans précédent, bâti sur une véritable «saignée» économique opérée dans le secteur paysan. Celui-ci, compte tenu en particulier des faibles prix payés aux producteurs par le monopole de la Caisse de commercialisation (A.D.M.A.R.C.), est passé d’une croissance moyenne de 6 p. 100 entre 1950 et 1960 à un taux de 3 p. 100 entre 1970 et 1980, pour finalement connaître une véritable stagnation. Cet appauvrissement a largement poussé la main-d’œuvre paysanne vers l’emploi salarié sur les plantations, même sous-payé, plantations qui ont pu, grâce à une réforme foncière appropriée sur les transferts de terres coutumières, croître en étendue jusqu’à occuper un tiers des terres arables du pays.Durant les années 1970, les taux de croissance économique (de 7 à 11 p. 100) du Malawi ont pu faire illusion, le modèle économique était non seulement fragile mais aussi voué à son propre échec. Les difficultés conjoncturelles (perturbation du fret par la guérilla au Mozambique, baisse des cours du tabac) ont révélé la précarité d’un secteur des plantations où beaucoup d’«amateurs» avaient spéculé. Dès 1980, la Banque mondiale tirait le signal d’alarme en proposant des mesures d’assainissement de ce secteur et de relance de la production paysanne. Celle-ci, vidée de ses ressources, ne pouvait plus assurer la couverture alimentaire. Tandis qu’un coup de frein était mis à l’expansion des plantations, l’accès des paysans au marché des cultures de rente fut facilité, en particulier pour la variété de tabac Burley, d’un meilleur rapport à la vente. Là aussi, la prudence s’impose en termes d’équilibre agricole, puisqu’en 1992 on a assisté à un phénomène de surproduction de tabac par les paysans, amenant les autorités à imposer des quotas et à augmenter plutôt les prix payés aux producteurs pour les cultures vivrières, en particulier le maïs, tant le déficit alimentaire était alarmant. Déséquilibrée en profondeur par la politique des années 1970, affaiblie par la récession des années 1980, l’agriculture du pays paraît fragilisée de façon durable.L’évolution pragmatique de la politique étrangèreLe Malawi a mené sa politique extérieure, largement sous la houlette directe du président Banda, avec beaucoup de réalisme. Dans un premier temps, les choix ont quelque peu tranché sur la scène internationale avec ceux des pays voisins. Avec ces derniers, qui avaient soutenu l’opposition à H. K. Banda ou accueilli les dissidents après 1964, les relations ont été difficiles au départ. Une dizaine d’années de querelles territoriales avec la Zambie ont ainsi été effacées par un accord de coopération en 1974, même si les tensions réapparaissent parfois entre les deux capitales. Ce n’est qu’au début des années 1980 que les rapports avec la Tanzanie se sont vraiment normalisés (les deux pays ont échangé des ambassadeurs en 1985). Outre le conflit de personnes entre H. K. Banda et Julius Nyerere, le différend portait sur l’attitude du Malawi envers l’Afrique du Sud et le Mozambique encore sous domination coloniale du Portugal. Le Malawi est en effet le seul État d’Afrique noire à n’avoir pas cessé d’avoir des relations diplomatiques officielles avec la république d’Afrique du Sud depuis 1974. Des liens historiques existaient certes entre les deux pays, mais le président Banda s’est tourné vers Pretoria pour des raisons pratiques, s’assurant d’un allié (y compris sur le plan militaire) dans un environnement diplomatique assez hostile et d’un soutien financier non négligeable. Ainsi, tout en devenant le premier importateur pour le Malawi, l’Afrique du Sud a financé la construction de la nouvelle capitale à Lilongwe (un projet refusé par les Britanniques) ou encore celle de la voie ferrée jusqu’à Nacala (Mozambique), essentielle pour désenclaver le pays. En contrepartie, le Malawi s’est fait, durant les années 1970, le chantre sur la scène internationale de la politique du «dialogue» avec l’Afrique du Sud. Accusé de traiter avec le diable, H. K. Banda a pour sa part dénoncé les relations commerciales officieuses de ses voisins avec Pretoria. Avec le Mozambique sous domination portugaise, le Malawi a composé, largement en raison de son enclavement. Mais, après l’indépendance du Mozambique, les relations se sont détériorées, le Malawi étant accusé de soutenir et de servir de base arrière au mouvement de rébellion de la Résistance nationale du Mozambique (R.N.M.). Après plusieurs accrochages frontaliers, les pressions des chefs d’État voisins et la menace d’un blocus économique ont abouti à un rapprochement entre les deux gouvernements. Le Malawi a même participé en 1987 aux opérations militaires de lutte contre les sabotages de la R.N.M. Cette évolution bilatérale des rapports du Malawi avec ses voisins a confirmé celle qui s’est dessinée au début des années 1980 sur un plan régional. Prenant ses distances avec l’Afrique du Sud, le Malawi a en effet adhéré en 1981 à la S.A.D.C.C. (Southern Africa Development Coordination Conference), et il a rejoint en 1984 les membres du P.T.A. (Preferential Trade Area), jouant plus fermement ainsi la carte de l’intégration à son environnement régional. Le président Banda a su opérer par là un virage diplomatique important.Enfin, au début des années 1990, l’évolution de la situation intérieure en Afrique du Sud a largement désamorcé la polémique sur les relations du Malawi avec ce pays. Mais la double épine diplomatique des opposants malawites réfugiés en Zambie et de l’accusation faite au régime du docteur Banda de tolérer la présence au Malawi de groupes de la guérilla mozambicaine du R.N.M. subsiste et pouvait encore en 1992, au sommet des États de la ligne de front, faire mettre le pays au banc des accusés.Des mutations inévitables et indispensablesLes grèves, dans les plantations comme dans les centres urbains, et les émeutes de mars 1992, qui ont fait officiellement une quarantaine de morts, ont surpris par leur spontanéité dans ce pays si longtemps discipliné. Pourtant, cette explosion sociale est bien compréhensible compte tenu de la dégradation du niveau de vie et du délabrement de la situation alimentaire et sanitaire au Malawi. En 1990, les autorités reconnaissaient qu’un quart des enfants mourait avant l’âge de cinq ans et que la moitié des survivants souffrait de malnutrition chronique. Alors que la couverture alimentaire ne peut plus être assurée, on assiste à un recul sanitaire (méningite, choléra). Enfin, le sida, avec seize mille cas déclarés en 1991 – chiffre record pour toute l’Afrique australe –, mine rapidement le pays (un million de personnes infectées par le virus selon les prévisions pour l’an 2000). Face à ces urgences, les efforts et les changements pour rebâtir une agriculture vivrière solide sont indispensables.Mutations inévitables également dans le domaine politique où une page d’histoire se tourne. Le président Banda, âgé de quatre-vingt-seize ans en 1993, ne paraît plus au fait de la situation réelle du pays. L’avenir politique se joue désormais entre la ligne «orthodoxe» du parti, menée par John Tembo, proche du président, et l’opposition. Celle-ci comprend essentiellement l’A.F.O.R.D. (Alliance for Democracy, un mouvement rapidement banni par le pouvoir) et l’U.D.F. (United Democratic Front). L’A.F.O.R.D. compte surtout des opposants exilés, l’U.D.F. des anciens cadres du parti unique. Ce dernier serait lui-même sans doute prêt à «basculer» en grande partie dans une mutation démocratique. L’enjeu du pouvoir s’est donc focalisé sur un référendum sur le multipartisme, une consultation acceptée par le pouvoir sous la pression internationale et face à la suspension de l’aide non humanitaire depuis 1992. Avec 63 p. 100 des voix, les résultats du référendum tenu le 14 juin 1993 ont consacré le multipartisme. Dès le 29 juin, le Parlement a légalisé les partis politiques d’opposition et, en novembre 1993, l’institution de la présidence à vie a été abolie. H. K. Banda a déclaré l’amnistie pour des milliers d’exilés. Le pays devra dans l’avenir faire l’apprentissage des processus démocratiques après trente ans d’une vie politique dominée par la personnalité hors du commun du président Banda.Malawi ou Maraviethnie établie au Malawi et dans le N.-O. du Mozambique (env. 8 millions de personnes). Ils parlent une langue bantoue.————————Malawi(lac) (anc. lac Nyassa) grand lac de l'Afr. subsah. orientale, partagé entre la Tanzanie, le Mozambique et le Malawi; 26 000 km²; 700 m de profondeur.————————Malawi(république du) état d'Afrique orientale, situé entre la Zambie, la Tanzanie et le Mozambique; 118 484 km²; 10 500 000 hab.; cap. Lilongwe. Nature de l'état: rép. membre du Commonwealth. Langue off.: angl. Monnaie: kwacha. Relig.: christianisme (65 %), relig. traditionnelles (19 %), islam (16 %). Géogr. et écon. - Le quart oriental du pays est occupé par le lac Malawi, dominé à l'O. par de hauts plateaux (jusqu'à 2 000 m) et duquel débouche, au S., la vallée du Shire, zone la plus peuplée du pays. La savane boisée domine, correspondant à un climat tropical tempéré par l'altitude. Toutes les ethnies parlent des langues bantoues; la princ. se nomme Maravi ou Malawi. La population, qui augmente de plus de 3,3 % par an, est rurale à 90 %. L'agriculture constitue la grande richesse du pays et la balance agricole est largement excédentaire. Le maïs est cultivé, sur les deux tiers des terres arables, par de petites exploitations, de même que l'arachide (en forte régression: 3 % des terres). Le tabac et le thé, ainsi que la canne à sucre, sont les princ. cultures d'exportation, mais le Malawi souffre de son enclavement. La pêche et le bois constituent des ressources appréciables. L'hydroélectricité assure presque l'autosuffisance. Les ressources minières (charbon, bauxite, uranium) sont peu exploitées. L'industrie est rudimentaire (agro-alimentaire, surtout). Le Malawi est un pays très pauvre, mais non pas misérable. Hist. - Le pays a longtemps participé au grand commerce arabo-swahili qui remontait depuis la côte de l'océan Indien. Vers 1835, les Ngoni, chassés d'Afrique australe par les Zoulous, atteignirent la région où certains s'installèrent, avec violence. En 1859, l'explorateur écossais David Livingstone appela Nyassa le pays, dont l'évangélisation commença v. 1875. En 1891, la G.-B. établit son protectorat sur le Nyassaland. Elle ne soumit les Ngoni (moins de 10 % de la pop.) qu'en 1904. Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, le nationalisme s'exprima par le biais des églises indépendantes. En 1953, la G.-B. regroupa dans une Fédération d'Afrique centrale les deux Rhodésie et le Nyassaland. Celui-ci craignit l'extension de la discrimination raciale qui sévissait en Rhodésie du Sud. En 1960, le Dr Hastings Kamuzu Banda créa le Malawi Congress Party (M.C.P.), qui obtint l'indépendance en 1964. H. K. Banda fit du M.C.P. le parti unique et manifesta un conservatisme répressif. En 1971, il devint président à vie. Son pays fut le seul en Afrique à entretenir de bonnes relations avec l'Afrique du Sud. En 1992, l'église catholique dirigea la contestation. En 1993, Banda fit approuver le multipartisme par référendum. En 1994, Bakili Muluzi, leader de l' United Democratic Front, fut élu président. En 1995, H. K. Banda fut inculpé de meurtres.
Encyclopédie Universelle. 2012.